Pour sortir de la crise financière de 2008, il a fallu « travailler plus ». Après le Covid, l’enjeu est de « travailler mieux », sans doute « avec moins » et trouver de nouvelles idées, se réinventer…
Facile à dire. Avec la dose d’inconnues qui nous entourent, l’équation qui se présente n’est pas simple à résoudre.
Partons donc du fait que notre monde est incertain et complexe (cf. VUCA) et que la meilleure piste pour nous en sortir sera d’innover. Pas forcément en faisant appel à la technologie (nous ne sommes pas tous des geeks) mais plutôt en suivant des méthodes qui mènent à l’innovation.
Découvrez 3 méthodes pour développer de nouvelles stratégies d’après Covid19 et tenter de réinventer son offre de demain avec rigueur et créativité :
• L’Océan bleu,
• L’Effectuation ,
• L’Innovation frugale.
Ces méthodes sont nées à l’occasion de différentes crises et sont mises (ou remises) à l’ordre du jour depuis la crise financière de 2008.
L’heure de réinventer activités personnelles et pros. ?
« Ecoute Léna, nous ne ferons pas de plongée cet été à la mer, c’est loin et il n’y a plus de masques chez Décathlon. Je te propose d’aller pêcher en rivière près d’ici ; nous pourrons faire nous-même la canne avec des bambous, comme faisait le grand père. »
Derrière ce court instant de vie familial, sont abordés des sujets essentiels pour comprendre les méthodes qui peuvent permettre aux entrepreneurs d’affronter l’après covid :
• Revoir ses priorités,
• Imaginer une autre activité dans un autre contexte,
• Donner du sens,
• Reconstruire avec moins mais en mieux.
Retrouvons ces méthodes au travers d’exemples.
Innover avec moins de ressources grâce à l’innovation frugale
Revenons au masque de plongée de Léna afin de savoir où sont donc passés les fameux masques Décathlon, car l’histoire est exemplaire. Début Mars 2020, le Docteur Favero demanda à la start up italienne Isinnova d’adapter le Masque facial de Snorkeling (plongée) de Décathlon.
Le masque fut équipé avec une valve réalisée par imprimante 3D en une semaine pour devenir la base d’un appareil respiratoire. Décathlon offrit le 30 mars 2020 son stock de 30.000 aux équipes de soignants.
Faire plus avec moins. La méthode semble adaptée à la période de crise actuelle comme au contexte parfois difficile dans certains pays émergeants.
C’est le consultant en stratégie de la Silicon Valley, Navi Radjou, lui-même d’origine indienne qui popularisa le concept de l’innovation frugale en le définissant comme » la combinaison de l’innovation technologique, sociale, et économique ».
Pour ce spécialiste de l’innovation, le contexte actuel est favorable :
• Faible croissance,
• Raréfaction des ressources,
• Développement de l’économie collaborative,
• Émergence de « prosommateurs » (des consommateurs responsables et producteurs).
Pour Navi Radjou, les entreprises doivent aujourd’hui emprunter la voie de l’innovation frugale pour se développer. Trois exemples connus :
- Danone a suivi la voie avec la création de yaourt à 5cts en Inde dont la composition est adapté aux carences de la population infantile.
- La Dacia de Renault a trouvé son marché dans les pays occidentaux en offrant des fonctionnalités peut être limitées mais en tout cas essentielles.
- Il faut aussi citer le potier indien qui inventa le Mitti Cool Refrigerator, un frigo à base d’argile qui fonctionne sans électricité.
Plus proche de nous, les start ups s’emparent du modèle afin de développer leur propres projets lors de concours ou hackathons. La chasse aux idées simples et peu coûteuses est lancée.
Pour les indépendants, l’innovation frugale concerne plus les missions d’ingénierie, industriels ou technologique. Il est possible d’y organiser des projets en mode collaboratif afin d’y faire émerger ce type d’innovation. Les principes du Design Thinking ont le vent en poupe et deux outils deviennent important à maîtriser :
- Mural : un espace de travail numérique pour la collaboration visuelle qui « permet aux équipes innovantes de penser et de collaborer visuellement pour résoudre des problèmes importants ».
- Miro : La plateforme de tableau blanc collaboratif en ligne « pour réunir les équipes, à tout moment, n’importe où ».
Mais l’idée même peut s’appliquer à de nombreux cas dans le marketing ou la communication, où le principe du hacking (contournement, détournement) est déjà installé.
Pour développer son réseau sur Linkedin, il est par exemple possible d’utiliser des outils d’automatisation des demandes de mis en relation, pour un coût limité (à partir de 15$ pour Dux Soup, ProspectIn ou LinkedinHelper) alors que l’abonnement à Sales Navigator de Linkedin débute à 59,49€, avec des fonctionnalités manuelles. Nous sommes bien dans le « faire mieux pour moins cher ».
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La Méthode de l’effectuation : Le succès se construit en avançant
L’approche de l’effectuation se fonde sur le pragmatisme, les rencontres, et l’ouverture d’esprit.
Le concept a été établi par un travail minutieux de la chercheuse américaine d’origine indienne, Saras Sarasvathy qui en propose 5 principes clés.
- Démarrez avec ce que vous avez,
- Évaluez votre perte acceptable,
- Construisez votre « patchwork fou » (tout projet entrepreneurial est émergent, évolutif, le fruit d’interaction),
- Il faut savoir tirer partie des surprises et des opportunités (c’est la capacité à réagir aux surprises qui fait l’entrepreneur),
- Rien n’est inéluctable, rien n’est écrit. Il faut être le pilote de son avion.
Une idée force à retenir : contrairement à ce que l’on croit, il n’est pas nécessaire d’avoir une idée géniale au départ et un business plan tiré au cordeau. Le plus important, c’est l’entrepreneur.
L’effectuation présente des points communs avec une autre théorie, celle du Lean, du fait des itérations constantes avec le marché, pour tester et améliorer son produit ou service.
Avec la crise actuelle, difficile de suivre une démarche classique de prédiction du marché, de business plan à trois ans et d’études de marchés.
Le lean et l’effectuation proposent d’aller rapidement au contact avec le marché.
Pour un indépendant, l’idée est de se focaliser sur son premier client, au lieu de définir des services élaborés. L’offre se construit alors autour de ce qui a été vendu.
Et si vous n’avez pas de site internet ? Peu importante, n’attendez pas d’en avoir un pour prospecter avec un « book », un livre blanc sur votre secteur d’activité ou un « portfolio » de vos réalisations.
Cette méthode détermine l’entrepreneuriat comme un processus social, qui se construit avec les autres. Il faut quitter le mythe de l’idée géniale et de l’entrepreneur héros. L’indépendant doit être dans l’action !
La méthode de l’Océan Bleu
La méthode de l’Océan Bleu est la plus ancienne des méthodes. Elle s’appuie sur une métaphore facile à comprendre :
• D’une part, l’Océan Rouge est l’approche traditionnelle des marchés ou les entreprises établissent des stratégies les unes par rapport aux autres. L’environnement concurrentiel est exacerbé, les limites du marché connues et les perspectives de croissance limitées.
• D’autre part, l’Océan Bleu consiste à créer un nouvel espace pour sortir de l’Océan Rouge ; l’innovation ne fait pas forcément appel à la technologie mais apporte rentabilité (à l’entreprise) et utilité (à l’acheteur).
L’exemple le plus connue de cette méthode est la stratégie du Cirque du Soleil qui su réinventer son offre de spectacle en sortant d’un univers concurrencé et en décroissance (le cirque traditionnel avec des animaux).
Pour un indépendant, par exemple en infographie, l’océan rouge peut s’illustrer dans la réalisation de missions via des plateformes aux enchères inversées de type Fiverr ou 5euros. Pour schématiser, sur ces plateformes, les prix des missions sont tirés vers le bas du fait d’une concurrence mondiale sur des projets « à 5 euros ».
La question se pose : Comment sortir de ces marchés concurrentiels ?
La méthode de l’océan bleu peut apporter des solutions en repositionnant son offre autour de compétences nouvelles et utiles pour les entreprises. Voici quelques pistes pour reformuler son offre d’infographiste (attention, il ne s’agit que d’exemples, une analyse approfondie est nécessaire):
- Acquérir un label pour s’afficher comme un indépendant respectueux des démarches RSE ; c’est une valeur utile pour les entreprises qui répondent à des appels d’offres exigeant cette démarche et qui externalisent une partie de leur activité,
- Proposer des nouveaux services autour du travail à distance (remote work), notamment dans l’organisation globale de la chaîne graphique (de la création à l’impression).
- Limiter son offre à des niches porteuses (exclure de participer aux plateformes à bas coût),
- …
Ces quelques pistes montrent que dans des environnements concurrentiels, des voies nouvelles existent pour sortir par le haut.
La question sous-tendue à cette méthode est simple : Quelles caractéristiques faudrait-il « Renforcer, Exclure, Atténuer et/ou Créer » pour que les non-clients actuels trouvent notre offre utile ?
Pourquoi les indépendants doivent-ils faire appel à ces méthodes ?
Selon diverses études d’impact covid19, les indépendants sont affectés à 80% par les premiers mois de confinement. Grâce au télétravail, leurs activités a pu se maintenir mais des baisses de chiffre d’affaires de -20% et plus sont à déplorer.
Dans ces conditions, ils sont concernés par la réinvention de leur activité en suivant les méthodes pré-citées. Dans « le monde d’après », les grandes entreprises vont devoir devront gagner en souplesse et intégrer -ce sera dur- des réflexes d’entrepreneurs et de start-up.
Et à l’inverse, les petites structures, les indépendants, devront faire appel à des méthodes « structurantes » pour se diversifier ou se réinventer, des méthodes parfois développées dans les grands groupes !