La procrastination est un sujet qui concerne tout particulièrement le travailleur indépendant ou l’entrepreneur solo.
Assis à son bureau, le consultant indépendant qui planche sur un dossier important se laisse parfois distraire par mille « parasitages » et après avoir perdu son temps, se retrouve en situation d’urgence… Tim Urban se définit comme un « maître-procrastinateur » et nous détaille comment fonctionne son cerveau, non sans humour.
Tim Urban et la procrastination – Conférence TED X
Tim Urban est un expert en sciences politiques et blogueur réputé (son blog : www.waitbutwhy.com) suivi entre autres par Elon Musk (fondateur de Paypal, SpaceX, Tesla).
Tout au long de ses études universitaires, il s’est retrouvé -comme beaucoup d’entre nous- à devoir travailler au dernier moment sur un dossier prévu de longue date. Mais devant la répétition de ces situations d’urgence, Tim Urban dû se résoudre à cet état de fait : il était un procrastinateur (1), c’est-à-dire un « retardataire chronique ».
Dans une récente conférence TED (2), il souligne sa tendance incontrôlable à ne travailler que sous la pression et tente d’en expliquer les raisons.
Il explique par des schémas simples ce qui se produit quand il doit accomplir une tâche prévue longtemps à l’avance:
- Face à cette échéance, il planifie d’abord son projet de façon rationnelle (fig. a).
- Le temps passe et il constate qu’il ne parvient pas à réaliser son travail dont il reporte à chaque fois le démarrage,
- Le temps imparti s’est écoulé et l’échéance est là ! Il constate que rien n’a avancé : c’est alors l’urgence absolue (fig. b) !
Dans le cerveau du procrastinateur
Pour expliquer son mode de fonctionnement, Tim Urban part d’abord du constat que le cerveau est dirigé par un « Décideur Rationnel » (rational decision maker) qui planifie et organise de façon logique et rigoureuse les taches à effectuer.
Le « Décideur Rationnel » est un peu le capitaine du navire et il semble seul maitre à bord. Il l’est en tout cas dans le cerveau d’un « non-proscratinateur ».
Le souci pour le proscratinateur est que ce bel équilibre est rompu par l’arrivée d’un troublion, représenté dans le schéma de Tim Urban par un petit singe (fig. c) : le Singe Distrayant, toujours à la recherche d’une « gratification immédiate ».
L’animal espiègle va prendre le contrôle du cerveau ou du moins va tout faire pour qu’il perde le contrôle de sa concentration (fig. d). Il va faire naviguer le procrastinateur au fil des idées et des sollicitations diverses, en lui faisant oublier ses priorités.
Le problème de la procrastination est clair : tout se centre sur l’instant présent, sans aucun souvenir des engagements pris dans le passé ni aucune conscience des enjeux de l’avenir.
Pour résumer la situation, Tim Urban souligne la stratégie du procrastinateur : faire ce qui est facile et amusant MAINTENANT. Et avec internet (Facebook, Youtube…) les tentations sont grandes !
Pour Tim Urban, l’aspect rationnel du cerveau (le Décideur Rationnel) et son côté irraisonné (le Singe Distrayant) pourraient s’entendre s’il existait une priorité (fig. e) : D’abord le travail puis la gratification. Mais le souci chez le proscratinateur, c’est que le côté « plaisir » (le Singe Distrayant) prend les commandes et monopolise tout le temps de travail (fig. f) ! Le temps défile et aucun planning n’est respecté…
Retour à la réalité : c’est la panique !
Tim Urban continue son exposé en indiquant que le cerveau possède un dernier élément clé : le « Monstre Panique » (Panic Monster). Sa particularité est de rester endormi la plupart du temps. Il ne s’éveille que lorsqu’il sent une situation d’urgence approcher. Dans ce cas, il déboule dans le cerveau (fig. g) !
Pour le procrastinateur, le Monstre Panique est une sorte d’ange gardien. Il veille toujours sur lui dans les pires moments. Autre particularité, il est le seul à pourvoir effrayer le Singe Distrayant (fig. h) qui va alors se cacher dans son arbre.
Dès que le Monstre Panique apparait, le Singe disparait et le Décideur Rationnel (rational decision maker) revient prendre le contrôle des opérations. Il va pouvoir gérer les priorités qui sont devenues de véritables urgences.
Ce phénomène explique le comportement discontinu et quasi convulsif du procrastinateur. Il est capable de rester debout toute la nuit -la veille d’une échéance- pour réaliser son travail (écrire huit pages d’une synthèse ou d’un dossier) alors qu’il avait deux semaines (ou plus) pour le réaliser.
Cette situation qui associe ces trois personnages est le mode de fonctionnement du procrastinateur. Tim Urban en convient « Ce n’est pas joli, mais à la fin, ça marche quand même. »
Les deux formes de procrastination
Pour relater son expérience, Tim Urban décida un jour de rédiger un article sur son blog. Alors que le sujet lui paraissait plutôt « léger » il fut surpris de recevoir des milliers de courriels venus du monde entier. Infirmières, banquiers, peintres, ingénieurs et étudiants… Tous écrivaient la même chose: «J’ai aussi ce problème ».
Mais ce qui frappa Tim Urban, c’était le contraste entre le ton de l’article et la gravité de ces courriels. Ces gens écrivaient avec une frustration intense liée à ce que la procrastination avait fait à leur vie.
Tim Urban pensa alors au système de la procrastination :« Si cela fonctionne en général, sans provoquer de réel désarroi, alors pourquoi toutes ces personnes expriment elles autant de tristesse ? »
Il en déduisit qu’il existait deux sortes de procrastination.
- La première est la procrastination « à court terme ». Elle est liée à une échéance (rédiger une thèse, finir un dossier…). Ces effets se font ressentir « à court terme » et le Monstre Panique arrive rapidement afin de rétablir la situation.
- Mais il existe une deuxième sorte de procrastination qui se produit dans des situations où il n’y a pas de date limite. Et cette forme de procrastination semble générer une réelle frustration.
Chacun peut être concerné : si vous souhaitez démarrer un nouveau projet de vie, si il vous vient l’idée de débuter une activité sportive ou de vous lancer un jour comme entrepreneur… vous risquez de ne pas avoir de dates limites particulières.
Idem pour les situations personnelles pour lesquelles il n’existe pas d’échéance : un équilibre sentimental que vous souhaitez atteindre, un objectif de pratique artistique, un voyage autour du monde… Si aucun de ces rêves n’a d’échéance, la procrastination mène à des sentiments négatifs à moyen et long terme.
La procrastination à long terme fait ressortir chez les personnes concernées un sentiment de frustration. Ils se sentent comme spectateurs de leur vie. La frustration ne vient pas de l’impossibilité de réaliser ce rêve, mais que sans échéance, la procrastination ne permet pas de commencer à poursuivre ce rêve !
La conclusion est sans doute que dans chaque projet, pour chaque rêve, tout doit être converti en échéances.
(1) La procrastination : tendance à remettre au lendemain des actions (qu’elles soient limitées à un domaine précis de la vie quotidienne ou non). Le « retardataire chronique », appelé procrastinateur, n’arrive pas à se « mettre au travail », surtout lorsque cela ne lui procure pas de satisfaction immédiate.
(2) Les conférences TED ont pour objectif de diffuser des « idées qui valent la peine d’être diffusées ». Elles sont organisées par la fondation à but non lucratif The Sapling foundation.
Voir la video :
Crédit : Urban’s TED talk Inside the mind of a master procrastinator- Mars 2016